Être enceint.e et LGBT
Le sigle LGBT (et son extension, un peu moins connue mais non moins importante, LGBTQIA) est utilisé pour désigner les personnes lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres, queers, intersexes ou asexuelles, autrement dit les personnes qui ont une orientation sexuelle autre que l'hétérosexualité et/ou une identité de genre différente de celle qui leur a été assignée à la naissance.
Pour information, il nous paraît important de recourir à une écriture inclusive plus appuyée sur cette page, notamment pour que les personnes en questionnement sur leur identité de genre, ou autodéterminées comme hommes/non binaires puissent être à l'aise.
Sommaire
Les biais LGBTphobes en gynécologie
La découverte d'une grossesse imprévue est souvent un moment délicat. Mais quand on fait partie de la communauté LGBT, et quel que soit son choix concernant l'issue de la grossesse, des problématiques spécifiques peuvent se poser : LGBTphobie et méconnaissance de certains enjeux par certains soignants, suivi médical à adapter si on est sous hormonothérapie, possibles difficultés à s'approprier la grossesse, trop souvent présentée comme symbole de l'aboutissement de la féminité dans notre société...
Vous êtes parfaitement légitime à vous inquiéter de ces problématiques et à chercher des moyens de vous en protéger, quelle que soit votre situation.
La gestion de la santé reproductive et le désir de parentalité ou de non parentalité, des sujets de LGBTphobie importants
Notre société a basé sa conception de la famille autour d'un modèle hétéronormé et a du mal à changer sa vision des choses.
Ce n'est d'ailleurs qu'en 2013 que la loi française a intégré la possibilité de se marier pour les couples homosexuels, avec toutes les conséquences légales en matière de filiation (source ICI).
La santé reproductive des personnes LGBT semble un sujet de discussion inépuisable pour quelques personnes et organisations, comme nous le rappelle trop souvent l'actualité.
Par exemple, la Manif pour tous milite activement contre cette loi, et affiche des positions anti PMA pour toutes, anti "idéologie du genre", etc... (source ICI).
Or, comment des soignant.e.s perméables à la LGBTphobie peuvent iels proposer des soins adaptés et non jugeants à leurs patient.e.s LGBT ?
Comment accueillir respectueusement un homme transgenre en consultation, quand on ne reconnaît pas la légitimité des questions liées à l'identité de genre ? Comment bien accueillir correctement une femme cis lesbienne ou bi/pansexuelle sans pouvoir appréhender la spécificité de son vécu ?
Et pourtant, les besoins de contraception, ou à l'inverse les désirs de parentalité, ou tous les questionnements sur la santé sexuelle et reproductive, sont tout aussi présents que dans la population cis et hétérosexuelle...
Les conséquences possibles de la difficulté à se défaire d'une pensée LGBTphobe ou d'une méconnaissance des sujets LGBT peuvent être dramatiques : renoncement aux soins par les concerné.e.s, retards de prise en charge pouvant entraîner des pertes de chance non négligeables...
Trouver et maintenir une prise en charge respectueuse et adaptée
Trouver les bon.ne.s soignant.e.s pour démarrer une prise en charge
La solution idéale est bien entendu de trouver un.e soignant.e sensibilisé.e.s aux problématiques liées aux questions d'orientation sexuelle et d'identité de genre, d'autant qu'elles peuvent directement interférer avec votre suivi en matière de santé reproductive, par exemple en cas d'hormonothérapie.
Iel aura pu acquérir cette connaissance soit parce qu'iel aura été formé.e sur ces sujets et sur les bons comportements à adopter pour éviter les dérives LGBTphobes et leurs conséquences possibles, soit en raison de son vécu personnel.
Dans le cadre d'une grossesse imprévue particulièrement, vous devez vous sentir parfaitement en confiance et en sécurité avec la personne qui vous suit. Cette condition est nécessaire à chaque étape de votre suivi, de la réflexion concernant votre choix d'interrompre ou de poursuivre la grossesse à la mise en place de ce choix jusqu'à son aboutissement.
La première piste à explorer peut être le bouche à oreille, dans votre entourage plus ou moins proche ou sur Internet.
Il existe des forums et groupes sur les réseaux sociaux qui peuvent vous renseigner sur des généralistes, sages-femmes, gynécologues... via des témoignages de patient.e.s. Vous pourrez également poser des questions sur les pratiques et attitudes des soignant.e.s évoqué.e.s.
N'oubliez pas non plus que vous n'êtes pas obligé.e de préciser pour les raisons qui vous amènent à consulter. Cette information vous appartient et personne n'a à vous demander de comptes en la matière.
Il existe également sur Internet des listes comme Gyn&co, qui font un colossal travail de mise en avant de soignant.e.s safes sur plusieurs problématiques.
L'avantage, c'est que vous pourrez rechercher par critères géographiques et mots-clés le/la soignant.e qui aura le plus de chances de correspondre à vos attentes. Concernant Gyn&co, ils sont entre autres attentifs à :
- l'accompagnement IVG/l'accompagnement grossesse
- l'accompagnement à la stérilisation volontaire
- la sensibilisation aux questions LGBT (accompagnement parcours trans notamment)
- l'accompagnement sur diverses pathologies (cancers, endométrioses, VIH...)
Enfin, le Planning Familial peut parfois, selon les antennes, proposer des consultations gynécologiques adaptées. Si cela n'est pas possible, ou que vous souhaitez consulter ailleurs, il peut également vous orienter vers des soignant.e.s safes, avec qui l'association a pu être amenée à travailler ou sur lesquel.le.s ils ont eu des retours positifs.
Durant la prise en charge, comment réagir en cas d'attitude LGBTphobe ?
Malheureusement, il n'est pas toujours facile, voire possible de choisir un.e soignant.e sensibilisé.e aux quesions LGBT, ni même d'en changer au cours de votre suivi. Comment vous protéger au mieux si vous êtes "coincé.e" avec un soignant aux comportements ou propos LGBTphobes ?
Sachez aussi, si vous envisagez une IVG, qu'un.e soignante qui refuse de vous accompagner dans cette démarche en avançant sa clause de conscience, doit vous réorienter vers des confrères ou consœurs qui pourront le faire à sa place (source ICI)
Répartir et conserver vos forces
Posons ici le principe de base : les propos et comportements LGBTphobes peuvent être sanctionnés légalement (source ICI) et, s'il s'agit d'un médecin, au niveau disciplinaire par l'Ordre des médecin pour manquement au code de déontologie (source ICI)
Malgré cette protection théorique, les actes et propos LGBTphobes sont quotidiens dans notre société et y faire face n'a rien d'évident, d'autant qu'en pratique, obtenir justice réclame parfois des démarches nombreuses et/ou longues, sans certitude de résultat positif.
Si vous êtes mal à l'aise face à l'attitude ou aux mots d'un.e professionnel.le de santé ou du social, vous avez le droit de l'exprimer sans craindre en retour une réaction inappropriée. Vous connaissez mieux que personne vos attentes à propos d'une consultation ou d'un examen et ce que vous pouvez tolérer ou non.
Pourtant, même face à un comportement ouvertement LGBTphobe, il peut être difficile de trouver comment vous protéger, voire vous défendre.
Recadrer votre interlocuteur.ice peut vous confronter à un conflit ouvert avec cette personne. De plus, la relation de soin est asymétrique : le/la soignant.e a votre dossier, complet ou partiel, entre les mains. Vous pouvez craindre que cela complique davantage votre suivi et vous expose à des attitudes encore plus graves ou à des soins de mauvaise qualité, ce qui peut vous mettre en danger. Cette peur est légitime mais ne doit pas en soi vous faire renoncer à faire valoir vos droits.
C'est à vous d'estimer les forces que vous pouvez et souhaitez investir dans votre combat. Si vous pensez que vous voulez et/ou devez agir, foncez ! Et n'hésitez pas à solliciter de l'aide, vous pourrez trouver des alliés fiables, qui pourront soutenir vos démarches, voire vous appuyer lors d'une éventuelle confrontation.
Les actions possibles
La première option que vous avez face à un comportement ou des propos inappropriés, c'est de discuter directement avec votre interlocuteur.ice en cause. Selon le degré du préjudice que vous subissez, vous pouvez être plus ou moins frontal.e. Restez aussi factuel.le que possible quel que soit votre colère : il est plus difficile de nier des faits bruts que des ressentis. De la même façon, il vaut mieux ne pas élever le ton, afin de ne pas donner prise à une accusation d'agressivité.
Pour initier une discussion tout en vous maintenant à distance physique, vous pouvez aussi écrire au/à la praticcien.ne en cause, ou à sa hiérarchie si les faits ont eu lieu en hospitalier (chef de service, cadre de santé...). Dans ce cas, n'hésitez pas à envoyer vos courriers en recommandé, afin de pouvoir retracer légalement les échanges si besoin.
Si le comportement inapproprié a lieu au sein d'un service hospitalier, vous pouvez également alerter un autre professionnel.le qui y travaille et qui vous semblerait plus accessible au dialogue. Cela peut permettre de garder trace de votre litige et de trouver d'éventuels appuis si vous voulez exercer un recours plus formel.
Vous pouvez aussi adresser un courrier au Défenseur des Droits exposant votre situation et le préjudice que vous avez subi/subissez actuellement. Il pourra se poser en tant que médiateur entre vous et le/la soignant.e en cause, mais n'a aucun pouvoir de contrainte. Autrement dit, il ne pourra ni sanctionner ni obliger le/la soignant.e à faire quoi que ce soit.
Si vous souhaitez intenter une action disciplinaire , vous pouvez, si la personne dépend d'un ordre professionnel (médecin, sage-femme, infirmier.ère...) porter un recours auprès de ce dernier par courrier. Les Ordres professionnels peuvent sanctionner leurs adhérents de différentes manières : avertissements, blâmes, une interdiction temporaire d'exercer, ou, au maximum, la radiation de l'Ordre en question.
Enfin, vous pouvez porter plainte au pénal dès le moment où la personne en cause a commis une infraction légale, auprès d'un commissariat ou directement par courrier auprès du Procureur de la République. Cette dernière démarche est la seule qui entraîne une procédure judiciaire et peut au passage tout à fait se cumuler avec la réclamation disciplinaire.
Trouver du soutien
Dans votre entourage familial ou amical, vous trouverez peut-être des personnes de confiance qui pourront vous réconforter et épauler si vous subissez des dysfonctionnements dans votre prise en charge.
Ces allié.e.s pourront d'une part montrer que vous ne resterez pas isolé.e s'il faut réagir face à des actes LGBTphobes, et d'autre part, s'iels restent à proximité lors des soins ou consultations, iels pourront peut-être freiner en amont des comportements indésirables.
Certaines associations LGBT peuvent également vous aider : les militant.e.s de terrain connaissent souvent les professionnels de santé de leur région et ont l'habitude de se heurter aux comportements maltraitants et à l'ignorance de plus ou moins bonne foi du milieu médical à propos des problématiques LGBT.
Le Planning Familial est souvent une bonne ressource associative pour vous venir en aide. On peut également citer Stop Homophobie, qui a par exemple adressé un mémo aux soignant.e.s sur les bonnes pratiques à adopter pour l'accueil et la prise en charge des patientes lesbiennes (bémol néanmoins, cela ne semble évoquer que les femmes cis).
Ces associations peuvent vous fournir un soutien technique et psychologique, mais aussi parfois un appui juridique très utile notamment si vous décidez de lancer un recours disciplinaire ou pénal.
Enfin, certain.e.s professionnel.le.s de santé, parce que concernés ou simplement bien sensibilisés aux problématiques LGBT, peuvent également vous aider face à des collègues maltraitant.e.s.
N'hésitez pas à solliciter un.e médecin ou un.e sage-femme de confiance pour faire écran entre vous et un.e soignant.e qui vous fragilise !
Grossesse et transidentité
La dysphorie de genre, une fragilité spécifique possible
La dysphorie de genre est une souffrance née de la perception d'une inadéquation entre le genre d'assignation à la naissance et l'identité de genre d'une personne transgenre.
Un homme trans qui a conservé son appareil reproducteur intact ou une personne non binaire peuvent tout à fait tomber enceint.e.s. Comme pour les femmes cis, cela peut être par désir de parentalité, ou involontairement.
Or, dans notre société, la grossesse et l'enfantement sont souvent vu.e.s comme une sorte d'aboutissement de la féminité. Tomber enceint.e peut donc entraîner ou amplifier une dysphorie de genre à cause de ces représentations très ancrées.
Pour faire face à cette complication, le soutien de proches ou de professionnel.le.s de santé pourra être un outil utile. C'est entre autres par rapport à cette problématique qu'il est important de pouvoir trouver un suivi respectueux, quel que soit votre choix concernant l'avenir de votre grossesse.
Les soignant.e.s doivent tout faire pour réduire au maximum le genrage de votre état et des soins que vous recevez. Cela peut notamment passer par le vocabulaire employé : ne pas parler de "poitrine" mais de torse, ne pas évoquer une éventuelle "maternité" mais une "parentalité"...
La dysphorie de genre n'est pas une fatalité : vous pouvez être homme ou non binaire et donner la vie, ou à l'inverse interrompre votre grossesse. Cela n'appartient qu'à vous, à vos besoins et à vos ressentis. Et vous avez parfaitement le droit de réclamer un accompagnement de qualité si votre situation vous fragilise.
Une avancée légale trop timide vers la reconnaissance de la grossesse trans
Depuis 2016, la loi permet enfin de demander une transition au niveau administratif (changement de genre à l'état-civil) sans que la démarche soit conditionnée à une stérilisation médicale (source ICI). Cette avancée législative semble donc reconnaître la légitimité des personnes transgenres à gérer comme elles l'entendent leur santé reproductive.
Pourtant, si vous choisissez de mener votre grossesse à terme et de devenir parent, vous pourrez vous heurter à des incohérences sur le terrain de la filiation juridique.
En effet, si vous êtes un homme trans et que vous avez fait modifier votre état civil en conséquence, après votre accouchement la loi ne vous reconnaîtra pas directement en tant que père de votre enfant et soit on vous demandera de passer par l'adoption pour faire reconnaître votre parentalité, soit on vous inscrira en tant que mère sur l'acte de naissance.
Vous pouvez néanmoins faire un recours au tribunal. Celui-ci aura des chances de succès, mais dépendra de l'appréciation du juge et de la jurisprudence en cours au moment de votre démarche.
Enfin, si vous êtes non-binaire et que vous avez accouché, il n'y aura pas d'autre alternative que l'inscription en tant que mère sur l'acte de naissance de l'enfant.
Le site WikiTrans permet une vue un peu synthétique sur les possibilités de filiation pour vous et votre éventuel.le partenaire. (Malheureusement, en matière de ressources juridiques, la jurisprudence sur cette question n'est pas accessible en ligne au public non professionnel)
Quelques ressources de documentation et de réflexion
Récemment, une émission de France Culture avait reçu un homme qui a donné naissance à son enfant avec son compagnon. Le replay est disponible ICI.
Le collectif Pour Une Meuf milite contre le sexisme médical.
Le site WikiTrans est une ressource qui propose de répondre aux questionnements des personnes transgenres et de leurs proches. Une médecin trans, Corinne Hamel, a également créé un site visant à former aux bonnes pratiques en médecine face à des patient.e.s transgenres,