Pauvreté/précarité et grossesse

L'INSEE parle de pauvreté quand le revenu est inférieur à 60% du revenu médian de la population. En France en 2019, environ 15% des personnes vivent sous le seuil de pauvreté (source ICI).

La précarité représente davantage la fragilité d'un revenu, même si ce dernier est suffisant, ou d'une position sociale. Les deux définitions ne décrivent pas exactement la même réalité, mais se rejoignent beaucoup et créent souvent des problématiques similaires.

La pauvreté/précarité, frein multiple à l'accès aux soins

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Se découvrir enceinte peut être d'autant plus sujet d'inquiétude quand on est pauvre ou précaire. En effet, deux questions se posent : celle de la gestion émotionnelle de la grossesse et de son issue, mais également celle des conditions matérielles de l'organisation d'une prise en charge de la grossesse, que ce soit dans le cadre de son interruption ou de sa poursuite..
Dans ce dernier cas, si la personne enceinte a souhaité entamer un projet de parentalité, le coût et les conditions de l'accueil de l'enfant et de la vie quotidienne sont aussi des questionnements potentiels.

En, France, le système de santé est à la base conçu pour être accessible grâce à la sécurité sociale. Les consultations et examens ne nécessitent d'ailleurs parfois pas d'avance de frais. Mais même quand les soins n'occasionnent pas un coût direct, cela ne résout pas tout !

D'une part, la pauvreté et la précarité engendrent souvent divers biais dans la prise en charge de la personne enceinte, par exemple un jugement moral plus important. D'autre part, tout ce qui entoure les soins eux-mêmes peut se compliquer et devenir source d'épuisement et de stress.

Première entrave, le coût financier réel de la prise en charge

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Si vous êtes enceinte et pauvre ou précaire, vous vous posez sans doute la question de ce qu'il vous faudra payer pour gérer la survenue de cette grossesse, mais également ses suites, quelles qu'elles soient. Faisons un petit point ensemble.

Les coûts explicites de la grossesse

Au niveau des démarches purement médicales, si vous êtes affiliée à la sécurité sociale, cet organisme encadre les frais de santé liés à la grossesse, son suivi ou son interruption et les prend en charge sous conditions :

En cas de démarche d'interruption de grossesse, c'est assez simple ! Vous ne devriez pas avoir à avancer quoi que ce soit si vous êtes affiliée à la sécurité sociale. Celle-ci prend en charge l'intégralité des actes médicaux formant le parcours IVG. Par ailleurs, aucun dépassement d'honoraire n'est permis dans ce contexte (source ICI).

En cas de poursuite de la grossesse, deux dispositifs se cumulent :
- la sécurité sociale prend en charge à 100% les consultations et examens dits "obligatoires" du suivi de grossesse. Attention, cette prise en charge se base sur le tarif conventionnel des actes et ne prend pas en compte les éventuels dépassements d'honoraires.
A partir du début du 6ème mois et jusqu'à 12 jours après l'accouchement, les consultations et examens médicaux, même sans lien direct avec la grossesse sont pris en charge à 100% du tarif conventionnel par la sécurité sociale (source ICI).
Attention, pour bénéficier de cela, il faut avoir déclaré votre grossesse au niveau administratif avant la fin du troisième mois de grossesse.

Mais ces dispositifs ne règlent pas tous les problèmes d'accès financier à une prise en charge médicale de qualité.
Déjà parce que pour y avoir droit, il vous faut a minima être affiliée à la sécurité sociale et, dans le cadre de la poursuite de la grossesse, avoir déclaré cette dernière avant la fin du premier trimestre.

Une exception cependant si vous êtes arrivée en situation irrégulière en France et y êtes depuis plus de trois mois, vous pouvez demander l'Aide Médicale d'Etat, qui pourra assumer les frais médicaux autour du suivi ou de l'interruption de grossesse à 100% du tarif conventionnel. Si vous êtes en France depuis moins de trois mois ou que votre demande d'AME a été rejetée/est en cours d'instruction, le Fonds de Soins Urgents et Vitaux peut prendre le relais (source ICI).

La difficulté du coût direct des actes médicaux se pose donc encore si vous ne répondez pas à ces critères ou que vous ne parvenez pas à faire les démarches nécessaires pour x ou y raison. Et les frais peuvent rapidement devenir importants.

Si vous poursuivez votre grossesse, l'hospitalisation autour d'un accouchement vous coûtera environ 1000e par jour .
Et cela ne concerne pas tous les actes de suivi qui précèdent et sont nécessaires pour s'assurer de votre bonne santé et de celle du fœtus.

Si vous interrompez votre grossesse, le point précis des frais médicaux à envisager dans le parcours IVG, quelle que soit votre situation, semble moins représenter une difficulté.

Comme évoqué plus haut, le coût direct des soins médicaux n'est pas le seul problème à envisager dans le cadre d'une prise en charge quand vous êtes enceinte et pauvre ou précaire.

Les frais et dépenses invisibles de la prise en charge

En dehors du coût financier des actes médicaux, si vous êtes pauvre ou précaire, la logistique pour accéder à une prise en charge adaptée peut entraîner d'autres dépenses, en argent comme en énergie ou en santé.

Les déplacements et planifications de rendez-vous peuvent être entravés par la faible mobilité souvent associée à la pauvreté/précarité. Et ce phénomène s'aggrave lorsqu'on est en plus déjà parent, soutien de famille ou auprès d'un proche.

Le fait d'utiliser votre propre véhicule peut entraîner des frais d'essence non négligeables, selon la distance nécessaire pour vous rendre sur les lieux de soins, parfois divers et éloignés les uns des autres comme du domicile (sage-femme ou médecin libéraux, centre d'orthogénie ou maternité, centre d'échographie...)

A contrario, dans certaines régions, si ces fameux lieux de soins sont éloignés ou mal desservis il sera difficile de vous en sortir si vous dépendez des transports en commun ou de la bonne volonté de votre entourage pour vous déplacer.

Autre poste de dépense possible si vous avez déjà des enfants à charge ou êtes aidante d'un proche, trouver un professionnel pour pallier vos absences lors des soins et consultations quand votre entourage ne peut pas le faire.

Ces deux exemples font partie des frais peu pensés, et donc peu évoqués spontanément par les professionnels de santé ou du social lorsqu'une personne enceinte pauvre ou précaire va rechercher du soutien. Ils pourront la rassurer sur les aides financières concernant directement les actes de soins, mais comment payer le reste quand toute sa vie est déjà organisée autour de l'économie du moindre sou pour pouvoir tenir les fins de mois ?

Une autre problématique se pose, conséquence indirecte de ces frais invisibles qui pèsent sur la prise en charge de votre grossesse : enceinte et pauvre/précaire, vous aurez en pratique un choix plus limité pour définir les professionnels à qui vous devrez confier votre prise en charge et ce, quelle que soit votre décision concernant l'avenir de la grossesse.

Comment exercer un choix libre et éclairé concernant les praticiens et/ou lieux de soins quand de faibles moyens financiers vous empêchent matériellement d'étendre votre recherche de soins au niveau géographique et que vous devez renoncer plus ou moins automatiquement à ceux qui pratiquent des dépassements d'honoraires ?

Les préjugés liés à la pauvreté/précarité, un autre obstacle de taille

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Théoriquement, les soignants doivent prendre en charge leurs patients sans porter de jugement sur leur situation financière, sociale ou familiale, entre autres critères. Pour les médecins notamment, c'est une obligation déontologique (Source ICI)
Mais ces professionnels sont avant tout des êtres humains et sont donc soumis à l'influence des diverses représentations véhiculées par la société. Celles-ci peuvent être simplistes, caricaturales, voire totalement fausses.

La précarité/pauvreté n'échappe pas à ce phénomène et fait l'objet de préjugés infondés et préjudiciables. Elle est trop souvent présentée comme la conséquence de supposés mauvais choix de vie des individus et de la mauvaise gestion de leurs biens. Cette perception est pourtant depuis longtemps invalidée (Source ICI)

Les préjugés lors de la prise en charge d'une grossesse

Dans ce contexte, vous pouvez donc vous heurter à des attitudes inadéquates lors de la prise en charge de votre grossesse.
Certains soignants seront enclins à remettre en cause votre capacité à assumer vos décisions et leurs conséquences, ou à simplement gérer votre quotidien.

Cela peut notamment se traduire par une mauvaise information médicale qui ne vous permet pas de réfléchir de manière éclairée aux décisions à prendre pour votre santé,
des incitations, voire des injonctions à accepter un suivi médical ou médico-social qui ne vous convient pas.

Vous êtes parfaitement légitime à participer activement et pleinement à votre propre suivi, à prendre des décisions (y compris en contradiction avec ce que les professionnels vous préconisent) et à faire respecter celles-ci.
De même, vous menez votre vie comme vous l'entendez. Personne, hors d'un cadre judiciaire particulier, n'a la légitimité pour vous imposer des soins ou des suivis que vous ne désirez pas, qu'ils soient médicaux ou médico-sociaux.

Si les professionnels de santé estiment que votre situation rend préférable une prise en charge particulière, ils doivent vous donner tous les éléments utiles pour y réfléchir et faire vos choix.

Comme nous le disions plus haut, vous n'aurez peut-être pas la possibilité d'écarter des soignants qui auraient des propos inadaptés, En revanche, vous pouvez obtenir du soutien pour réagir.

Protéger la prise en charge de la grossesse

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Concernant les frais invisibles de la prise en charge de la grossesse et de ses suites quelles qu'elles soient, il sera très difficile, voire impossible de les réduire à zéro. Mais nous allons essayer de vous soumettre des pistes pour limiter la casse.

La pauvreté/précarité entraîne souvent une difficulté à envisager de demander du soutien. Sachez cependant que vous êtes légitime à recevoir celui-ci, que ce soit par le biais de la solidarité nationale et des institutions, via des associations privées ou votre entourage.

Quelques outils institutionnels

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La précarité/pauvreté implique beaucoup de débrouille au quotidien. Néanmoins, avoir une bonne connaissance de vos droits et être aidée pour accéder à toutes les aides légales disponibles que permet votre situation est une base souvent non négligeable pour trouver des solutions.

Pour cet aspect, une assistante sociale efficace sera votre meilleure interlocutrice : c'est la professionnelle dédiée au soutien des personnes confrontées à des difficultés (économiques, familiales, etc...) dans la défense de leurs droits. Elle pourra vous informer sur tout ce à quoi vous pouvez prétendre en matière d'aides matérielles et financières, mais également vous assister pour faire les démarches administratives nécessaires pour faire valoir vos droits.

Généralement, elles connaissent aussi très bien les associations et dispositifs spécifiques liés à leur département/région. Cette connaissance peut être un atout considérable pour vous donner des pistes de soutien sur des problématiques globales, ou des points particuliers.

Vous pouvez faire appel à une assistante sociale en mairie, dans les Centres Communaux d'Action Sociale, au sein de différentes association, dans un service hospitalier...

Si votre situation financière ou sociale complique votre accès aux soins, vous pouvez également vous tourner vers les Permanences d'Accès aux Soins de Santé (PASS). Ces services, situés au sein des hôpitaux, sont dédiés à la prise en charge de personnes confrontées à la pauvreté/précarité. Vous y trouverez des soignants, y compris spécialisés, ainsi que des travailleurs sociaux (Source ICI)

Dans les PASS vous aurez accès à des consultations, soins et examens complémentaires gratuits et rapides si nécessaire, mais aussi à de l'aide pour coordonner vos soins et faciliter une ouverture de droits à la sécurité sociale en cas de besoin.

Dans le cadre d'une grossesse/après l'accouchement si vous avez poursuivi la grossesse, vous pouvez également vous tourner vers la PMI de votre département pour avoir des consultations médicales gratuites pour vous ou votre éventuel enfant par un médecin ou une sage-femme. Là aussi, l'offre de soins est complétée par la possibilité de rencontrer des travailleurs sociaux, des puéricultrices et des psychologues (Source ICI)

Enfin, nous vous proposons ICI une ressource qui récapitule de nombreux dispositifs financiers, médicaux ou matériels de soutien en cas de précarité/pauvreté dans un contexte de grossesse ou de parentalité
(vous la retrouverez également dans la page de ressources externes du site)

Soutien associatif

Une équipe soudée

Si les dispositifs légaux et institutionnels existants ne suffisent pas pour sécuriser votre prise en charge ou votre situation, ou si vous avez besoin de soutien pour y avoir accès, vous pouvez chercher de l'aide auprès d'associations.

Certaines existent au niveau national mais il est toujours intéressant de regarder au niveau de votre département/région les structures locales qui peuvent vous apporter de l'aide. N'hésitez pas à faire le tri selon vos besoins.

Attention ! Certaines des associations présentées sur cette page ont des conditions d'accueil plus restrictives que d'autres (notamment pour les personnes mineures ou en séjour irrégulier en France) ou ont été fondées dans un contexte religieux. Nous avons écarté les structures dont les valeurs étaient visiblement trop éloignées des nôtres, mais ce premier tri est sommaire.
Avant de solliciter une association ou un collectif pour vous aider, vérifiez autant que possible que leurs valeurs ou leur fonctionnement ne risquent pas d'entrer en contradiction avec une prise en charge respectueuse de votre liberté de choix, de votre intégrité physique et psychique et de vos propres convictions

Quelques associations proposent des services et du matériel ponctuels, pour faire rustine sur un besoin précis et/ou temporaire : distribution de denrées ou de consommables, don de matériel de soin ou de puériculture...
Dans cette catégorie, Un Petit Bagage d'Amour peut vous aider si vous rencontrez des difficultés matérielles et envisagez une parentalité. Plusieurs antennes existent sur toute la France métropolitaine.

Concernant l'accès aux soins, en région parisienne, Solipam a tissé un large réseau de professionnels de santé, du social et de la petite enfance autour de l'aide aux femmes enceintes et jeunes mères précaires.

Si vous avez besoin d'un hébergement lors de la grossesse et/ou des premiers temps de la parentalité, il existe plusieurs structures pour vous accueillir, comme l'association Aurore et la Maison de Tom Pouce en région parisienne, La Tilma en Bretagne, Amado à Carpentras ou le centre maternel Caroline Binder en Alsace.

Plusieurs associations offrent différentes aides, ponctuelles ou pérennes, ainsi qu'un appui plus large pour sortir de la pauvreté/précarité, avec des parcours d'insertion et un accompagnement à plus ou moins long terme sur diverses problématiques.

Vous retrouverez les ressources déjà présentes ici, ainsi que d'autres, dans notre page de ressources externes.

Le rôle de l'entourage

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Le soutien moral est un atout précieux pour affronter un parcours de santé qui peut s'avérer éprouvant quel que soit votre choix concernant l'avenir de votre grossesse. Mais ce n'est peut-être pas la seule aide que vous pouvez solliciter auprès de votre famille ou de vos amis.

De plusieurs façons, votre entourage peut participer à limiter les frais et autres coûts non financiers invisibles de la grossesse, de sa prise en charge et de ses suites :

Par exemple, le don de consommables ou de matériel nécessaires liés à la grossesse, à la mise en place de l'IVG ou à la parentalité selon les cas pourra vous éviter d'acheter des choses parfois très chères et dont l'utilité ne sera que temporaire.

De même, si quelqu'un peut vous véhiculer vers vos rendez-vous ou pour faire diverses démarches, vous pourrez économiser énergie, temps et argent.

Vos proches peuvent également vous proposer de gérer une partie des choses de la vie quotidienne qui vous deviennent difficiles, comme garder vos éventuels autres enfants, faire des courses, la cuisine...

On ne peut parler de l'entourage sans évoquer le cas particulier de la personne qui, quand elle est présente, a une grande place à prendre dans l'accompagnement de votre grossesse, quelle que soit son issue : votre partenaire de vie. Peu importe que la grossesse ait été initiée avec lui ou non, si votre partenaire a accepté le principe d'être à vos côtés dans ces circonstances, il ou elle doit vous assister au mieux de ses capacités.

Des conseils à double tranchant

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Nous nous permettons d'attirer votre attention sur un dernier point : Si vous discutez avec des gens autour de vous, ou sur des forums dédiés à la grossesse, à l'IVG ou à la parentalité, vous entendrez ou lirez probablement de nombreux conseils pour gérer ces événements lorsque l'on est pauvre/précaire.

N'oubliez pas que chaque situation est unique et personnelle. En théorie, en prenant du temps et avec beaucoup d'énergie, il est toujours possible de trouver des solutions quasi idéales à chaque problème pour pas cher. En réalité, la pauvreté ou la précarité sont par définition des générateurs de fragilité et d'instabilité. Elles peuvent donc vous priver de ce temps et cette énergie qui vous sont réclamés.

C'est donc vous seule qui pouvez juger de l'utilité des idées et des outils qui vous sont proposés. C'est en faisant un tri en écoutant vos limites et vos capacités propres que vous trouverez ce qui pourra réellement vous servir au milieu des propos sans doute bien intentionnés mais peu adaptés à votre cas.